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  • Photo du rédacteurCaroline Farley

Se perdre et se retrouver

Dernière mise à jour : 15 avr. 2021

Il faut parfois s’égarer en chemin ou se perdre pour (re)trouver qui on est. C’est souvent au terme de moments difficiles, où plus rien n’a de sens, qu’on aperçoit enfin la lumière au bout du tunnel.




En 40 ans de vie, je dirais que je me suis perdue (pour vrai là!) trois fois.


La première fois, c’était en 2002. Je travaillais alors comme journaliste-cameraman pour TVA en Gaspésie. C’était mon premier emploi en sortant de l’école et je voulais faire mes preuves, réussir.


Je travaillais comme une folle, 5-6 jours/semaine, parfois 7. L’actualité ne prend pas congé et moi non plus, je ne prenais pas souvent congé. À l’époque, nouvelle arrivante en Gaspésie, célibataire, sans enfant, pas encore beaucoup d’amis, j’avais le champ libre pour me donner corps et âme au travail.

Mon installation de vidéojournaliste. Ça été tout un défi de filmer mes propres reportages, tout en réalisant le travail journalistique et en transporter tout l’équipement.


Après un an et demi à ce rythme infernal, j’ai fait un burnout. À 22 ans… C’est à ce moment que j’ai découvert que je suis une « workaholic ». J’aimais vraiment mon travail et je m’y consacrais à 100 %. On avait un bulletin de nouvelles à livrer du lundi au vendredi et je voulais/devais y contribuer. Je n’étais pas capable de dire non à des affectations.


Une fois n’a pas suffit

Malgré certains constats faits à l’époque et une réorientation de carrière vers le domaine des communications, j’ai à nouveau vécu un épuisement. Mais cette fois-là, c’est ma vie en entier qui m’épuisait.


Nous sommes alors en janvier 2016, j’ai 36 ans, je suis mère de trois filles âgées de 10, 7 et 4 ans. Je travaille 35 heures/semaine dans un emploi que j’adore et que je pratique depuis onze ans.


Ça fait déjà au moins six mois que j’ai des maux de ventre et d’estomac quotidiennement. Je suis devenue anxieuse, moi qui suis de nature « easy going ». Je vois tout comme une montagne infranchissable alors que je carbure généralement aux défis. Je me demande quotidiennement comment je vais faire pour traverser les six prochains mois tellement j’ai d’obligations de toute part et plus assez d’énergie pour les accomplir.


Je ne me reconnais plus. Je ne suis plus en contrôle de ma vie et je tente de trouver des solutions pour me sortir la tête de l’eau.

Mes maux de ventre qui s’accentuaient sans cesse ont fini par m’inquiéter au point où j’ai consulté mon médecin de famille. En larmes, je lui ai expliqué ma situation, à quel point j’étais fatiguée et qu’un rien me stressait. Je pensais qu’on pourrait trouver une solution ensemble avant que je m’enfonce davantage.


Mais il était déjà trop tard. Elle m’a arrêté de travailler pour que je prenne soin de moi. Je me revois en train de négocier avec elle un sursis. « Non, non pas maintenant docteure! J’ai demandé de l’aide au travail ce matin. J’ai un site Web à produire. Je vais ralentir, je vais me reposer, je vais faire attention. »


Mon médecin a tenu son bout. Je m’étais rendue trop loin et j’avais atteint un point de non-retour. Elle m’a donné deux jours pour faire le transfert de mes dossiers afin que je puisse partir l’esprit un peu plus tranquille.


Accepter ce qui est


J’ai tellement pleuré de déception et de rage. Encore une fois, je m’étais brûlée et je n’avais même pas été capable de voir les signes avant-coureurs. Pourtant, ils étaient là. Il a fallu que les maux de ventre me fassent suffisamment peur pour que je consulte enfin. Il a fallu que mon corps me parle fort pour que j’écoute enfin. Même si je me disais sans cesse que je devais ralentir le rythme, j’avais été incapable de voir que je courais déjà de façon effrénée depuis un bon moment.


Quelques heures après être sortie du bureau de mon médecin, je me suis dit que dans le fond, c’était ÇA la solution qui me permettrait de reprendre le contrôle de ma vie. Je n’avais pas envie de perdre plus de temps et d’énergie à accepter la situation. J’ai alors décidé que c’était l’occasion idéale pour réfléchir à mes choix et faire une introspection. Transformer ce moment difficile en un apprentissage de vie.


Mais d’abord, je devais me reposer. Les deux-trois mois qui ont suivi le début de cet arrêt de travail, j’ai dormi, dormi, dormi. J’étais tellement fatiguée… Pendant 3 ½ ans, notre plus jeune fille, Béatrice, se réveillait entre deux et huit fois par nuit à cause de son eczéma sévère qui la faisait souffrir. Par conséquent, mon chum et moi aussi.


Quand on a enfin réussi à contrôler davantage son eczéma et que Béatrice a recommencé à faire ses nuits l’automne précédent, c’est là que l’adrénaline, qui me tenait, m’a lâchée. Plutôt que d’en profiter pour me reposer et rattraper des heures de sommeil perdues, j’ai maintenu la cadence et éventuellement, j’ai « crashé ».


Analyser et réfléchir


Après avoir récupéré du sommeil et de l’énergie, j’ai eu besoin de réfléchir à tout ce qui s’était passé dans les derniers mois et dans les dernières années. Et pour ça, il fallait que je me retrouve seule, que je m’isole.


Je suis donc allée faire un ermitage pendant cinq jours et quatre nuits dans une petite cabane rustique appartenant au Sanctuaire de Pointe-Navarre, située à peine à cinq minutes de chez moi. Et c’est là, dans le silence de la nature, que j’ai fait « l’anatomie » de mon arrêt de travail et que j’ai compris pourquoi j’en étais rendue là.



En toute tranquillité dans ma petite cabine du Sanctuaire Pointe-Navarre.


J’ai d’abord fait la liste de toutes les raisons qui m’ont menée en arrêt de travail. J’en ai identifié 14… Ça m’a permis de faire des constats.


« Je viens de comprendre pourquoi je suis rendue en arrêt de travail, stressée et anxieuse au point d’en avoir des douleurs physiques et d’être dans un tourbillon d’obligations dans lequel je subis mon quotidien plus que je ne le vis.


Maintenant, j’ai compris pourquoi. J’ai compris que j’ai perdu le contrôle de mes journées, de ma vie. J’en avais trop et je voulais tout réussir à la perfection. Et j’en prenais toujours plus. Je ne décidais plus, je ne choisissais plus, je prenais tout ce qui se présentait à moi.


Au fil des mois, de plus en plus d’activités qui n’avaient pas ou peu de valeur à mes yeux prenaient de la place dans mon quotidien. Bien sûr, certaines d’entre elles m’étaient agréables mais coincées dans un horaire surchargé, elles étaient moins satisfaisantes et moins bénéfiques parce que souvent, je ne les vivais pas dans le moment présent. Je pensais à ce qui s’était passé avant, à ce que je devais faire après. Je courais tout le temps mais je n’allais nulle part.


Avec autant d’activités et de tâches à mon agenda, j’ai coupé dans mes heures de sommeil. La fatigue s’est accumulée, je suis devenue plus irritable, particulièrement avec mes enfants, plus stressée et anxieuse.


Si j’avais eu des temps de repos, des fins de semaine et des vacances reposantes, j’aurais peut-être pu reprendre pied. Mais non. Toujours la pédale dans le tapis, à trop vouloir tout faire, ne rien manquer. J’étais un hamster pris dans une roue qui tourne. Moi qui avais toujours aimé faire plein de choses en même temps pour l’adrénaline que ça apporte, pour la sensation de vivre pleinement.


Mais trop, c’est comme pas assez. Je me suis épuisée, vidée. J’étais en total déséquilibre, moi qui était perçue comme un modèle d’équilibre par certains de mes proches. »

– Extrait de mon journal de bord, le 12 avril 2016


Reconnaître et agir


Cette retraite dans la nature a tout changé pour moi. Après ce séjour, le vent a tourné. Je savais et comprenais ce qui s’était passé. Je voyais plus clair et je savais mieux ce que je devais faire pour me sortir de tout ça et retourner au travail.


J’ai d’abord dû laisser tomber certaines implications bénévoles que j’avais. C’était déchirant comme choix mais avant de m’occuper de projets collectifs, je devais d’abord m’occuper de moi-même, à commencer par alléger mon agenda beaucoup trop chargé.


J’ai continué de consulter la psychologue qui m’accompagnait depuis le début de cet arrêt de travail et que j’avais également consultée en 2002 lors de mon premier épuisement. J’ai aussi lu plusieurs livres dans les mois qui ont suivi pour me faire réfléchir, m’aider à ralentir, m’inspirer et prendre soin de moi[1].


J’ai aussi appris à me regarder aller, à être davantage attentive aux signaux d’avertissement et à réagir plus rapidement quand je retourne dans mes mauvaises habitudes, comme celle de couper dans mes heures de sommeil. Encore aujourd’hui, c’est un défi, une quête.

À force de lire et d’écrire, j’ai appris à mieux me connaître, à accepter mes forces et mes faiblesses et à en rire! J’assume mon côté passionné et excessif qui me permet à la fois de réaliser plein de projets et de rêves, mais qui a également le pouvoir de m’épuiser et de me brûler si je ne me gère pas comme il faut.


Faire la coupure


Une de mes plus grandes réalisations depuis 2016 a été de réussir à séparer ma vie professionnelle de ma vie personnelle. Chose que je n’avais jamais réussi à faire auparavant. J’aime tellement mon travail que je le ramenais dans mon horaire personnel mais aussi, et surtout, dans ma tête. J’arrivais à bien décrocher en vacances mais les soirs de semaine, c’était vraiment difficile. Je pensais à mes tâches et à mes dossiers.


Un moment donné, j’étais vraiment tannée de ne pas être pleinement là d’esprit au retour du travail. Je faisais les devoirs avec mes filles tout en pensant au travail. Ça m’arrivait aussi régulièrement de travailler tard le soir pour finir mes tâches professionnelles. J’ai saturé de ça.


Je sais qu’un jour, je vais me réveiller et mes filles seront aux études à l’extérieur. Je ne veux pas regretter les moments manqués avec elles parce que j’étais en train de travailler ou que j’avais la tête absorbée par mon travail. J’ai beaucoup réfléchi sur les façons de concilier sainement la famille et le travail.


Au final, pour moi, ce sont ces nombreuses réflexions et deux traitements d’hypnose qui m’ont enfin permis de faire la coupure entre ma vie personnelle et professionnelle. Ça doit vous apparaître très ésotérique mais c’est grâce à l’hypnose que j’ai réussi à décrocher du travail avant de rentrer chez nous. Peut-être qu’un jour, je vous en parlerai plus en détails dans un article de blogue! Mais bref, ça a changé ma vie! Quelle liberté!


Jamais à l’abri


Ce n’est pas parce qu’on se retrouve, qu’on ne se perdra plus par contre. Malgré tous ces constats et ces apprentissages, je me suis perdue une fois de plus en 2019. Je vais d’ailleurs aborder la crise de la quarantaine que j’ai vécue dans un prochain article de blogue, c’est un sujet en soi!


Je dis souvent que la vie est cyclique. Nous avons tous des bonnes et des moins bonnes périodes dans la vie. Parfois, les cycles sont plus longs qu’on le souhaiterait mais une chose est certaine, tout finit toujours par passer. Je me raccroche à ça quand c’est difficile et j’essaie de poser des actions concrètes pour m’en sortir.


Dans les derniers mois, je me suis rendue compte que lorsque je me sens pleinement en contrôle de ma vie, ça peut représenter un certain danger pour moi. Je me sens alors invincible, capable de tout faire. Et c’est là que je suis susceptible de retourner dans certains « patterns » malsains pour moi : dire oui à tout, tout vouloir faire en même temps, travailler le soir, couper dans mes heures de sommeil, etc.


C’est un éternel recommencement de se regarder aller, d’être vigilant, d’apprendre à dire non, d’être bienveillant envers soi, de ralentir et de prendre soin de soi. En être conscient est une partie de la solution.


[1] Ces deux livres lus en 2016 m’ont été particulièrement utiles et représentent en quelque sorte le point de départ d’une grande réflexion/introspection qui se poursuit encore aujourd’hui. Je vous les partage si ça vous intéresse : « Parents débordés en manque d’énergie » « Tout se joue avant 8 heures », version française de « Miracle Morning »


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