J’ai vécu ma crise de la quarantaine… à 39 ans. À l’aube de cette étape de vie, je réalisais que j’avais accompli plus que ce que j’espérais pour ma vie entière. Et la grande question qui m’habitait à ce moment était : « Je m’en vais où maintenant? »
Pour trouver une partie de la réponse, il a fallu que je m’isole pour y voir plus clair et que je revisite les mois précédents pour comprendre pourquoi je me sentais perdue et pourquoi l’année 2019 avait été aussi difficile.
« Avec le recul, je me suis rendue compte cet été que j’étais possiblement en deuil de mon année 2018 extraordinaire à tous points de vue, marquée par notre mariage, et lors de laquelle je me suis épanouie et réalisée tant sur le plan personnel que professionnel. C’est comme si j’avais réussi à mettre en application et en pratique mes apprentissages des dernières années et que tout s’était mis en place.
J’ai récolté le fruit de mes efforts. J’en suis ressortie passablement fatiguée et bien que je n’avais pas le goût de m’embarquer dans des projets, l’absence de désirs et d’objectifs ne m’a pas aidé. J’avais certes besoin d’une pause mais au final, j’ai l’impression de mettre mise en pause, sur le pilote automatique.
Résultat : j’ai spinné dans du négatif, des inquiétudes, des suppositions car je ne savais pas vers quoi je m’en allais. »
– Extrait de mon journal de bord, ermitage du 10 novembre 2019
Pourtant, rien dans ma vie ne me donnait de raisons de ne pas bien aller. Je le disais d’ailleurs : je vais bien mais je ne me sens pas bien. Je me sentais perdue et sans trop de repères à l’aube de la quarantaine.
J’avais commencé 2019 bien intentionnée en voulant prendre soin de ma tête et de mon corps régulièrement. Ça faisait cinq ans que j’avais différentes douleurs physiques inexpliquées qui me préoccupaient et qui affectaient de plus en plus mon quotidien. En février 2019, les douleurs que je ressentais au genou gauche et à la bandelette ilio-tibiale étaient tellement intenses que je ne pouvais plus marcher sans douleur, donc je pouvais encore moins courir.
Voir ma santé physique se détériorer m’a fait entrer dans une spirale de pensées négatives où je m’imaginais pleins de scénarios pessimistes. Ces pensées habitaient mon esprit tous les jours, plusieurs fois par jour. Il faut dire que les examens, les suivis médicaux et les consultations avec différents professionnels de la santé des cinq dernières années n’arrivaient pas à identifier les causes de mes douleurs.
Tout « pétait » sur mon corps et plus le temps passait, un potentiel diagnostic de fibromyalgie commençait à se dessiner à l’horizon. L’hypothèse d’être atteinte d’une maladie dégénérative à 39 ans me donnait l’impression de vivre avec une épée de Damoclés au-dessus de la tête et ça me faisait peur. Parallèlement à cette situation, je n’avais pas une routine de vie optimale pour moi. Quand les douleurs sont devenues particulièrement intenses en février 2019, j’ai arrêté de me lever tôt le matin pour nourrir ma tête et mon corps. Gérer la douleur prenait toute mon énergie si bien que je m’isolais et me réfugiais dans ma tête et dans mes pensées négatives. J’étais également habitée par un désir de fuite afin de ne pas avoir de responsabilités, chose impossible quand on a trois enfants.
Au fil des semaines et des mois, ma santé mentale en a été affectée. Lors d’une consultation avec mon médecin de famille, elle m’a dit que je traversais possiblement un épisode dépressif. Moi, la fille généralement positive et « hop la vie »... Je n’étais pas en dépression mais si la situation perdurait, c’est possiblement ce qui m’attendait. Après autant d’années à gérer les douleurs physiques, ça avait atteint ma tête.
Il était dorénavant clair pour mon médecin, mon physiothérapeute et moi que le statu quo n’était plus acceptable. De façon concertée, ils m’ont conseillé de prendre une médication contre les douleurs chroniques aux genoux et au dos et qui est également donnée aux personnes atteintes de fibromyalgie. Ça été un méchant coup dur… Je n’ai jamais été très portée sur les médicaments et j’associais ce médicament à un premier pas concret vers un potentiel diagnostic de fibromyalgie. D’un autre côté, il fallait essayer quelque chose de différent et j’avais pleinement confiance en ces deux spécialistes qui me suivent depuis des années. J’ai mis mes appréhensions et mon égo de côté et j’ai accepté de prendre la médication.
Après un mois et demi a enduré les nombreux effets secondaires et à ne plus me reconnaître, j’ai commencé à émerger du brouillard dans lequel je me sentais. La présence de mon mari a également été déterminante et salvatrice. Dans la carte de la Fête des mères qu’il m’a offert à cette période, il avait écrit :
« Mon bel amour, je te souhaite que 2019 soit l’année où tu trouveras les réponses aux bobos physiques qui minent ta bonne humeur. Sache que je t’aime toujours autant et comme je te l’ai dit un certain 14 juillet de l’an dernier[1], je t’accompagne sur ce chemin même quand tu as plus de difficultés. Appuies-toi sur moi, je suis aussi là pour ça. Je t’aime! Je te trouve belle! Tu es une très bonne mère! Bonne fête mon amour xxx »
C’est ce que j’ai fait. Je me suis appuyée sur Sébastien et on a traversé ça ensemble, jour après jour. En m’écrivant ce simple mot, il m’a rappelé que je n’avais pas à vivre ça toute seule. C’est pourtant tellement évident, d’autant plus que ça faisait 17 ans à ce moment-là que nous étions ensemble et que nous avions déjà traversé d’autres épreuves main dans la main. Mais j’ai réalisé que lorsque je vis des moments difficiles, j’ai parfois tendance à me refermer et à m’isoler. En me tendant la main, il m’a rappelé qu’ensemble, on est encore plus fort. Notre communication a passé à un autre niveau grâce à cette période.
La période estivale et une nouvelle amitié m’ont permis de vivre une période d’accalmie et de plaisir avant d’éventuellement replonger dans une certaine léthargie au cours de l’automne. J’avais l’impression qu’il avait peut-être quelque chose de plus profond qui se cachait sous les tourments des derniers mois. Je me demandais surtout ce que j’allais faire de la 2e moitié de ma vie, maintenant que j’avais plus que ce que j’avais même osé espérer. C’est pourquoi, pour la 2e fois de ma vie, j’ai fait une retraite dans le bois pour réfléchir à tout ça.
« […] Me voilà dans ce petit chalet rustique en train d’essayer de trouver des pistes de réponses à cette question à la lueur d’une chandelle. En faisant le résumé de la dernière année, je me rends compte qu’un trait de personnalité, qu’avait décelé mon médecin lors de mon arrêt de travail de 2016, semble prendre de plus en plus de place en vieillissant : obsessive-compulsive. Même si je n’ai pas de trouble obsessif-compulsif, j’ai l’impression que l’intensité de certaines de mes réactions était beaucoup trop grande cette année : spin négatif à propos de ma santé, peine d’amitié, même mes intérêts envers certaines activités, comme le ski hors-piste et la planche à pagaie, sont intenses; je voudrais tout le temps en faire!
Ça a aussi une incidence sur mon rapport au temps. On dirait que je n’en ai jamais assez. Jamais assez de temps pour faire les activités/choses que j’aime, jamais assez de temps avec mes amis, avec mon chum, etc. Ça me donne l’impression de rester continuellement sur ma faim. Il y a quelque chose à creuser de ce côté je crois. Cette année, j’ai aussi appris que trop, c’est comme pas assez. Je crois que la quête d’équilibre est quelque chose que je dois clairement travailler. J’y arrive par moment mais en raison de mon intensité, de mon amour des émotions fortes, de mes intérêts divers, je flirte souvent avec le fragile équilibre et j’ai parfois basculé de l’autre côté. Ça risque d’être une quête de longue haleine mais je sens que depuis 2016[2], je possède les outils pour y faire face. Et l’écriture est véritablement une façon d’y arriver, en me regardant aller et en faisant le point régulièrement.
[…] Dans les derniers mois, différents dossiers au travail m’ont valu plusieurs commentaires élogieux qui m’ont vraiment fait du bien, tout comme la célébration de mes 15 ans de service. J’avais certainement besoin de cette reconnaissance après tout ce que j’ai vécu cette année. En l’absence de projets stimulants et avec la spirale négative qui m’a aspiré cette année, ce n’est pas moi qui ai été la plus tendre à mon égard. Mon discours intérieur était à l’image de ce que je vivais : négatif. Et c’est tellement pas moi ça. Ce n’est pas dans ma nature profonde mais tout le monde peut avoir ses moments de faiblesse. Autant je croyais que j’avais beaucoup de choses à régler avec moi-même en arrivant ici, autant je me dis présentement que je dois revenir à la base, à cette quête d’équilibre qui fait de moi que je me sens une bonne personne, une meilleure version de moi-même en constante évolution et incidemment une bonne personne pour ceux que j’aime et qui m’entoure.
[…] Pour la suite des choses, pour la 2e moitié de ma vie (!!!), les choses vont se placer. Je vais réintégrer peu à peu des habitudes de vie saines qui nourrissent ma tête et mon corps et par conséquent retrouver un équilibre et le contrôle sur ma vie. Je vais réfléchir à des projets/objectifs qui me stimulent, continuer à faire des lectures qui m’amènent à m’améliorer comme être humain. Sans pression, en douceur, un pas à la fois, chaque jour. C’est ainsi que je vais m’approcher de ce que je suis, de ce que je veux devenir et de mes rêves. »
– Extrait de mon journal de bord, ermitage du 10 novembre 2019
Après cet ermitage, le vent a tourné. Les promenades et les courses en forêt (oui, j’avais même réussi à courir!), les lectures, les réflexions et l’écriture m’ont permis de me retrouver et de retrouver mes repères.
Le mois suivant, j’ai célébré mes 40 ans en toute sérénité en ayant confiance que je trouverais les prochains projets qui allaient me faire sentir vivante. La prise de la médication a peu à peu fait disparaître mes douleurs et j’ai donc pu recommencer à faire plusieurs activités que je ne pouvais plus faire dans les dernières années.
« À 40 ans, j’ai beaucoup plus que ce que je pensais avoir dans toute ma vie. Et je ne parle pas de biens matériels. Je parle des gens qui m’entourent et que j’aime, à commencer par mon noyau dur, mon amour d’amour et nos trois trésors, ma merveilleuse famille immédiate et élargie et mes si précieux amis. Je suis privilégiée! Une fois le vertige passé, après m’être demandé où je m’en allais pour la
« deuxième moitié de ma vie », je saute maintenant à pieds joints dans cette nouvelle décennie la tête pleine de projets, en gardant l’équilibre dans ma ligne de mire. C’est ça qui me fait sentir vivante, qui me stimule et à quoi je carbure. À ça et à l’amour, celui que je donne et celui que je reçois. Sur ces pensées philolo (!), je m’en vais nager. J’ai un triathlon à préparer! »
– Extrait de la publication de mon compte Facebook la journée de mes 40 ans
Je peux vous confirmer que la première année de ma quarantaine a été merveilleuse, nourrissante et magique. Ça a même été l’une des plus belles années de ma vie. Même la pandémie n’a pas réussi à avoir d’emprise sur ma motivation et mes projets.
Ma vie a pris une nouvelle impulsion et je sais plus que jamais la direction et le sens que je veux lui donner. Ça me donne des ailes! Après avoir semé en abondance dans ma vingtaine et ma trentaine, je prends plaisir à récolter et à explorer de nouvelles pousses pour les années à venir! Vive la quarantaine!
C’est d’ailleurs au terme de nombreuses réflexions en lien avec la quarantaine et la suite des choses que l’idée de créer le blogue et le balado Au bout de soi m’est venue.
Ce projet en cohérence avec mes valeurs me nourrit pleinement et j’ai l’impression que depuis qu’il est dans ma vie, tout goûte meilleur et la vie est encore plus passionnante qu’avant. Grâce à ce projet, j’ai une raison de plus de me lever le matin. C’est difficile à expliquer tout ce qu’il m’apporte et tout ce qu’il vient clarifier, je n’ai jamais ressenti ça auparavant.
Si seulement me lire ou m’écouter peut vous apporter une fraction de ce que me procure le partage de mes apprentissages de vie avec vous, la raison d’être de ce projet s’en trouverait d’autant plus significative. Je vous remercie du fond du cœur de me lire.
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